Mission Loup

Une politique qui mord à côté - comprendre les erreurs de la régulation en Suisse - PARTIE 2

Le 16/11/2025

Deuxième partie de notre article "Une politique qui mord à côté - comprendre les erreurs de la régulation en Suisse"

DEUXIÈME PARTIE

Loup chasseur


Échec des buts fixés par le législateur

La façon dont cette régulation proactive est mise en place démontre que les buts fixés par Albert Rösti, Conseiller Fédéral, dans l'établissement de l'Ordonnance sur la Chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages (OChP), ne fonctionnent aucunement dans la réalité. Nous vous exposons certains points plus clairement ci-dessous : 


Obtenir un effet éducatif


Il a été le mot d'ordre de Monsieur Rösti, qui a largement expliqué que les loups doivent apprendre à "craindre" l'humain, au travers de la régulation. Or, soyons clairs : abattre un loup en pleine montagne/forêt, sans troupeau ni habitation à proximité, en dehors de toute tentative d'attaque, sans la présence obligatoire de sa meute et sans qu'il ait lui-même forcément commis des attaques, c'est totalement inefficace ! L'effet est totalement nul, pour ne pas dire une vaste plaisanterie qui ne peut en aucun cas être défendue par des scientifiques et biologistes. Un loup qui ne revient pas à la meute ne permet pas à cette dernière de comprendre ni d'assimiler quoi que ce soit sur les causes de sa disparition/mort, elle n'en retirera donc aucun enseignement. Un individu abattu au moment d'un passage en forêt, même devant la meute, ne pourra là non plus fournir à cette dernière d'indications sur les causes de cette perte, en rapport avec les comportements de ses membres au moment du tir. Et enfin, tirer des loups adultes en laissant des louveteaux se débrouiller seuls, ou éduqués par des subadultes étant eux-mêmes encore assez inexpérimentés, ne fournira aucun effet éducatif, au vu de l'absence de comportements non souhaitables au moment du tir de chaque parent. Par contre, cette situation sera plus probablement à l'origine de conflits plus fréquents avec le monde pastoral, au vu du manque d'éducation des louveteaux !



Diminuer les attaques sur les troupeaux

Dans sa seule prise de parole officielle depuis le début des phases de régulation proactive, l'OFEV s'est fendu d'un communiqué laissant entendre que les attaques sur les animaux d'élevage baissaient en Suisse. Or, non seulement elles avaient déjà commencé à baisser en 2023, soit avant le début de la régulation proactive (due à une intensification et amélioration de la protection en premier lieu), mais il convient de préciser qu'il est impossible de se faire une réelle idée des effets de la régulation en se basant sur des chiffres au niveau national ! En effet, il est obligatoire d'examiner la situation au niveau local, soit sur les territoires des meutes engagées dans plusieurs phases de régulation et évaluer également de nombreux autres facteurs, notamment en lien avec la protection des troupeaux (évolution, amélioration, contrôle des mesures mises en place et de leur efficacité, etc.) et le prédateur (tirs pratiqués, rôles et sexes des individus abattus, effectifs, etc.). 

Si nous regardons localement (sur le territoire de chaque meute concernée en Romandie) l'évolution des attaques, en situation protégée uniquement, depuis 2023 puis post phases de régulation proactive 2023/2024 et 2024/2025, voici ce que nous pouvons déjà constater :

Meute du Mont-Tendre (2 phases/3 individus abattus hors reproducteurs) augmentation des attaques constante depuis 2023
Meute du Chablais (1 phase/mâle reproducteur abattu en 2023)  très légère baisse en 2024 (3 moutons) puis forte augmentation des attaques en 2025 (voir article Mission Loup).
Meute des Hauts-Forts (1 phase/zéro tir)  baisse des attaques en 2024 et 2025 mais aucun tir n'a jamais été effectué (recours).
Meute des Toules (2 phases/2 louveteaux abattus sur 2 ans)  stagnation des attaques par rapport à l'avant régulation.
Meute de Nendaz-Isérables (2 phases/10 individus abattus dont le mâle reproducteur en 2024)  baisse en 2024 (aucun tir n'a été effectué - recours) et stagnation des attaques en 2025
Hérens-Mandelon (2 phases/5 individus en 2023, dont le mâle reproducteur)  augmentation des attaques en 2024 puis baisse en 2025 (en précisant que la 2ème phase n'a prélevé aucun membre de cette meute !).
Augstbord (2 phases/17 membres abattus dont le mâle reproducteur en 2024)  forte hausse en 2024 puis nette baisse en 2025 (majorité des attaques commises entre août et décembre en 2024 donc prudence, l'année 2025 n'étant pas terminée).
Nanz (2 phases/5 individus abattus dont le mâle reproducteur en 2024)  forte hausse en 2024 puis stagnation en 2025, par rapport à 2023 (4 pertes au lieu de 5).

Ces phases de régulation proactive en Romandie n'ont, à ce jour, pas les effets escomptés, pour nombre de raisons citées dans la synthèse sur la régulation proactive 2023-2025 (lien plus bas). Au niveau régional, les conséquences et statistiques ne tendent donc pas dans la même direction que le communiqué de l'Office Fédéral de l'Environnement. 


Diminuer les pressions sur les zones problématiques (Valais)

Nous prenons le cas du Valais, qui explique, dans ses rares communications publiques, vouloir agir en prélevant des meutes de loups afin de "diminuer les conflits et pressions sur les zones problématiques". Il sera donc nécessaire d'expliquer, avec des faits scientifiques et avérés, à la population comment il compte atteindre cet objectif en :

* choisissant et en déstructurant des meutes stables et très peu prédatrices (moins de 5-7 pertes annuelles, souvent sur plusieurs élevages) qui doivent être laissées en place.
* abattant au moins 50% de loups n'appartenant aux meutes engagées et ayant commis les attaques et pressions.
* ôtant des louveteaux dans des meutes stables au lieu de continuer la régulation, complète ou partielle, de celles étant reconnues problématiques.
* commettant nombre d'erreurs dans l'établissement des territoires et donc des périmètres de tir, entre autres.
* abattant des loups supposés solitaires, étant en fait en couple ou en meute, sans prendre en compte l'ensemble de leurs données (et sans passer par l'obligation de prouver à l'OFEV qu'aucune meute n'est réellement présente, comme mentionné dans la LChP/OChP)).

En 2025, le canton a séléctionné la meute du Simplon pour une régulation totale alors que cette dernière a commis... 0 perte en 2023, 1 en 2024 et 2 en 2025, sur des animaux en situation protégée. Nous rappelons aux autorités, qui mentionnent dans un article du Walliser Bote le nombre d'attaques en situation non protégée, que ces dernières ne doivent être prises en compte dans AUCUNE forme de régulation ! Dans cette région se trouvent deux des meutes les plus problématiques du Valais, celle de l'Augstbord et de Nanz, qui ont tué 154 animaux à elles deux, en situation protégée entre le 1er janvier 2023 et le 11 novembre 2025. Nous pouvons clairement parlé d'une zone "problématique", telle que l'entendent les autorités. Et pourtant, ces dernières décident de choisir, pour la régulation proactive 2025, la troisième meute régionale (Simplon), pour trois ridicules pertes sur le même laps de temps, sans qu'aucune des deux autres ne soient plus inquiétées alors qu'elles se sont reproduites cette année. Sans compter que trois autres meutes sont actuellement engagées afin de prélever du 2/3 des louveteaux de l'année alors qu'elles sont stables, n'ayant commis qu'une seule attaque annuelle pour deux d'entre elles, zéro pour la troisième. En pratiquant de la sorte, le Valais prend la ficelle par le mauvais bout, un contre-pied total. 

Vous pouvez trouver davantage d'informations et de données sur le document "synthèse sur la régulation du loup en Valais - 2023 à 2025".

 

Conclusion

Le tir de F259 sur le Mont-Tendre est l'énième erreur, et probablement pas la dernière si rien n'évolue rapidement, qui démontre les importantes problématiques engendrées par la régulation du loup en Suisse. Il devient urgent de réévaluer la situation globale au niveau fédéral mais aussi cantonal, certains cantons commettant des erreurs sur le terrain mais également en allant au-delà ce qui est normalement et explicitement expliqué dans la Loi, l'Ordonnance ou les conventions européennes, sur certains points précis. C'est extrêmement inquiétant pour un pays comme la Suisse, réputée pour son pragmatisme, qui a désormais basculé dans l'irrationnel et le populisme.

Nous avons choisi, au travers de cet article, d'expliquer certains points ou situations et d'essayer de donner quelques éclairages possibles sur des voies à suivre pour tenter d'améliorer la gestion du loup en Suisse. La critique n'est utile que si elle est accompagnée de la connaissance et de propositions concrètes, afin d'aider à faire avancer les choses. Nous espérons que les autorités prendront leurs responsabilités afin de faire évoluer cette situation à l'avenir. 



Article : Team Mission Loup
Photo : KORA (F259) & Mission Loup

 

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